Tanguy Roosen n’est pas un nouveau venu ni à la Foire du livre, dont il est administrateur depuis 2009, ni dans le milieu littéraire, puisqu’il est directeur juridique en Belgique de la SACD (la Société des auteurs et autrices de spectacle vivant, fiction audiovisuelle, radio et web) et de la Scam (la société des auteurs et autrices de littérature et de documentaires). A 56 ans, le nouveau président du conseil d’administration de la Foire du livre de Bruxelles, où il succède à Hervé Gérard, n’a donc pas besoin de temps d’adaptation. D’ailleurs, il ne pourrait pas se le permettre : les défis sont grands à relever pour un événement qui ne pourra pas se tenir en 2021 de la même façon qu’en 2020. Il est déjà décidé que la Foire ne sera pas hébergée par Tour & Taxis, comme d’habitude : la Foire va investir la ville. Comment exactement ? C’est précisément ce que Tanguy Roosen doit organiser avec la nouvelle commissaire générale Marie Noble.
Cette période est compliquée pour des événements comme la Foire ? Vous devez vous réinventer, non ?
En effet. Avec Marie Noble, nous sommes en excellente entente pour relever ces défis. Elle organise les travaux de manière assez créatrice. On va avoir dans les prochaines semaines des groupes de travail qui vont rassembler les gens de la Foire, au sens large, et un certain nombre de partenaires pour avoir un grand remue-méninges autour de ce que pourrait être la Foire en 2021. Parce qu’on va devoir, en effet, innover. Pour partie on restera la Foire du livre de Bruxelles, avec un programme professionnel qui se tiendra vraisemblablement autour du mois de février. Et puis on fera plutôt une Foire du livre dans Bruxelles plutôt à la fin du premier semestre, mais on n’a pas encore déterminé les dates précises de l’événement.
C’est un fameux défi pour votre première Foire et la première de Marie Noble ?
Oui, mais ça nous oblige à repenser le sens premier de la Foire, qui reste d’organiser des rencontres autour du livre, entre auteurs, éditeurs, publics. Alors que depuis 50 ans, nous demandions au public de se rendre dans un seul endroit, dans l’écrin de Tour & Taxis ces dernières années, là on va plutôt aller vers les différents publics, organiser des activités décentralisées dans les quartiers, mais toujours dans ce même esprit de faire découvrir le livre au travers de rencontres, de discussions, de lectures. On est en train d’établir des programmes. Et de créer ou renforcer des ponts avec des partenaires comme la Bibliothèque royale, Passa Porta, le Théâtre 140… Evidemment, on doit tenir à l’œil les mesures sanitaires et on ne sait pas trop comment les choses vont s’organiser à partir du printemps, et espérons qu’on ne vive pas le même printemps que cette année-ci.
Cela vous oblige à repenser tout le fonctionnement de la Foire.
Pas tout le fonctionnement. Des événements restent d’actualité, comme les Assises européennes du livre, le Marché européen des droits, une Journée de la traduction. Mais l’événement que l’on organisait pendant quatre jours dans un même lieu qui était Tour & Taxis, celui-là doit être repensé. Et c’est une véritable opportunité pour nous d’essayer de nouveaux formats. Il est d’ailleurs vraisemblable que, si ces nouveaux formats ont du succès, on les reproduira dans les années futures, tout en essayant de maintenir l’événement tel que nous le connaissons. Concentrer notre activité publique uniquement sur quatre jours représente un risque que nous avons vu cette année-ci, mais aussi l’année précédente puisque nous avons dû annuler les Assises européennes du livre à cause des grèves de train. Forts de cette expérience-là, notre idée est plutôt de développer des activités tout au bout de l’année : la Foire du livre de Bruxelles doit aussi être une Foire du livre dans Bruxelles. C’est le grand travail auquel on s’attelle : avoir une présence plus forte tout au long de l’année. Et notre objectif est aussi de développer la découverte du livre à travers nos plateformes numériques : site internet, réseaux sociaux, podcast. Parce qu’il y a un public qui a plus de mal à se déplacer, qui est non-Bruxellois, qui est étranger, et là la technologie nous permet de les rencontrer plus facilement.
Cela remet-il en cause la tenue d’une Foire physique sur quatre jours ?
Personnellement, je reste attaché à la tenue de cet événement qui permet de brasser différents publics qui découvrent des auteurs, des livres, dans un seul lieu. Et espérons que la crise sanitaire nous permettra d’encore en organiser. Parce que le livre est d’abord un objet rempli de promesses qu’on a envie de prendre en main, regarder, compulser. Quand je rentre dans une libraire, ce sont des centaines, de milliers de promesses qui s’offrent à moi et je ne vis pas cette même sensation lorsque j’achète un ouvrage numérique. C’est clair qu’on doit toucher l’objet, le feuilleter. Mais c’est aussi la rencontre autour du livre, et on doit être attentif à maintenir ce lien social autour de l’ouvrage, c’est un fondement de la Foire.
Vous participez à la campagne « Lisez-vous le belge ? » Cela fait-il partie de votre politique de diversification ?
L’énergie des acteurs de terrain du secteur culturel est fantastique. On a vraiment une envie de créer quelque chose d’innovant avec eux et nous allons trouver des partenariats pour cela. La campagne autour du livre belge en est un élément important. Ce qu’on veut faire en tout cas, c’est pousser les gens à consommer local, à découvrir l’édition belge, flamande et francophone, et surtout nos auteurs des trois langues. On va essayer de construire un axe autour de ces littératures, dont le secteur est frappé de plein fouet par cette crise sanitaire, alors qu’il contient de véritables pépites que nous devons faire découvrir. Ce qui n’empêchera pas de tenter de faire venir des auteurs étrangers.
Vous participez à la campagne « Lisez-vous le belge ? » Cela fait-il partie de votre politique de diversification ?
L’énergie des acteurs de terrain du secteur culturel est fantastique. On a vraiment une envie de créer quelque chose d’innovant avec eux et nous allons trouver des partenariats pour cela. La campagne autour du livre belge en est un élément important. Ce qu’on veut faire en tout cas, c’est pousser les gens à consommer local, à découvrir l’édition belge, flamande et francophone, et surtout nos auteurs des trois langues. On va essayer de construire un axe autour de ces littératures, dont le secteur est frappé de plein fouet par cette crise sanitaire, alors qu’il contient de véritables pépites que nous devons faire découvrir. Ce qui n’empêchera pas de tenter de faire venir des auteurs étrangers.
Financièrement, la Foire est-elle en bonne santé ?
Cette année-ci, cela a été fort bien malgré la diminution du public. On a constaté une croissance de 40 % du nombre d’exposants de 2015 à 2020 mais en 2020, on a dû investir dans des mesures sanitaires pour maintenir la Foire. En 2021, évidemment, notre événement principal ne se tiendra pas de la même façon, on est donc à la recherche de financements complémentaires pour tenir nos missions et en développer de nouvelles. Tout en assurant le paiement de nos quatre temps plein et des programmateurs sous contrat. On doit faire d’une grande prudence dans la gestion de notre trésorerie.
Votre fonction de président est-elle gratuite ?
Un défraiement est convenu mais j’y renonce pour toute l’année prochaine. Tout le monde doit faire des efforts.
La Foire sera-t-elle toujours gratuite ?
C’est notre volonté. Mais la page blanche de 2021 nous offre des possibilités d’accueillir des gens dans des lieux plus intimistes ou des salles plus traditionnelles et là on ne peut pas toujours garantir un caractère gratuit comme on l’a fait depuis plusieurs années à Tour & Taxis.